Les Blablas de la Baronne

Il pleut un peu ce matin. J'ai quand même promené mon chien. Je m'abritais sous un parapluie bleu .Fergie protégée par son manteau écossais . Les volets des voisins sont fermés , personne dans la rue pour se saluer...

 J'ai pensé en rentrant au tableau au-dessus de mon piano blanc. Celui que j'ai peint au printemps.

Qui sont-ils ? Où vont-ils main dans la main? Mystère au bout de la rue déserte... Y -a -t-il quelqu'un derrière une fenêtre pour épier ces deux silhouettes solitaires?

Il a 74 ans mais en parait presque dix ans de moins. Il s'appelle Y. Un charmant médecin à la retraite .Il est aquarelliste , doué en menuiserie et aime le jardinage. Il a une charmante femme, de charmants enfants et petits-enfants, de charmants amis. Il a aussi une charmante maison , une charmante résidence secondaire à la mer et un charmant compte en banque. Cependant,  bien qu'étant bien portant Y n'est pas si heureux que ça! 

E l'a rencontré au marché de Noël la semaine dernière. Il l'a accueillie chaleureusement et avant qu'elle ait pu dire quoi que soit lui a asséné - Je suis content de te voir en pleine forme!-  Bien joué Monsieur le toubib! Perspicace... Vingt minutes après, E était obligée d'arrêter de parler à sa copine B car son souffle manquait et une demi-heure plus tard s'affalait sur son canapé avec tachycardie et saturation dans les chaussettes  E a l'habitude ...Il suffit qu'elle se maquille un peu, que le brushing soit impeccable  et qu'elle soit de bonne humeur ...Elle est aux yeux des autres en pleine forme! 

Polie, E sourit , trouve que Y parait en forme mais ne le dit pas on ne sait jamais! Elle se contente du comment ça va ?habituel. Et le charmant septuagénaire se lance dans un monologue digne de Molière!

Y n'accepte pas de vieillir. Il a 74 ans et est tout étonné. Déjà?  Déjà  les genoux qui craquent, déjà la petite douleur à l'épaule , déjà la mémoire qui joue des tours . Chaque matin Y ( Saperlipopette, il a été médecin, il sait bien qu'on se déglingue vers la fin!) se lève en se demandant quelle partie de son corps va lui rappeler ses 74 printemps. Et chaque matin, il est comblé bien sûr , à force de chercher on finit par trouver!  Y n'aime pas ce qu'il devient, un monsieur de son âge ! Son air tout à coup triste et découragé, sa voix qui se fait plus basse émeuvent E qui n'a pas un coeur de pierre . Elle lui dit gentiment . Fais attention , c'est presque de la déprime là! Alors à ce instant-là ,Y rejoue la scène du docteur. . Il la regarde droit dans les yeux.Son visage devient grave et sa voix baisse d'un ton.  On dirait qu'il va annoncer un cancer incurable .Il se lance alors dans un monologue digne de Molière.Il énumère tous les signes d'une dépression et finit par conclure d'un air las et découragé - Ah oui, j'en ai tous les symptômes. Sur ce, requinqué par ce diagnostic personnel et inattendu, il embrasse gentiment  E, lui dit Aurevoir et va se commander un café!

E va garder en mémoire cette anecdote sur la peur de vieillir.

E n'a pas peur de vieillir. Elle aimerait bien au contraire . Vieillir pour voir ses petits-enfants devenir des jeunes gens . Marcher lentement mais marcher quand même. Se souvenir de ceux qu'elles a aimés , se souvenir des gens.  Aimer encore Mozart ,lire et les mille-feuilles crème patissière .Oui, E serait heureuse de vieillir . Elle n'a pas peur de vieillir normalement , ce dont elle a peur c'est de vieillir autrement.

Mais peut-être qu' elle aussi ira se plaindre aux copains , aux passants des méfaits de l'âge sur sa peau  sur ses os , de tous les tracas liés au temps qui passe. Peut-être qu'on pleure tous après notre jeunesse. On sera tous de vieux et de vieilles déglingués.

E  pourra rire car depuis longtemps déjà on la connait sous le surnom de Déglinguette!

je vous l'avais dit...il est formidable! C'est tout lui ça...

Hier soir, j'ai vu Nicolas Peyrac. Il fait le tour des plateaux télé pour promouvoir son album de duos et son livre  So far Away.  Une autobiographie où il raconte aussi un certain 21 mars, jour où son frère lui a annoncé sa leucémie. 

Et là, ça a fait tilt dans la tête! 

En 1978, j'étais élève infirmière dans une petite ville bretonne. Les stages sont obligatoires et les futures diplomées doivent aussi assurer des nuits à l hôpital ou en clinique privée. En ce mois d'octobre ou novembre je ne me souviens pas, j'étais stagiaire en chirurgie dans une clinique gérée par des bonnes soeurs. Dans le planning du mois, je devais travailler 2 nuits. Je m'y préparais avec plaisir car à l'époque, je n'étais pas une grosse marmotte comme maintenant. Veiller ne me faisait pas peur! 

Je m'apprêtais donc à enfiler blouse et sabots blancs quand la surveillante du service téléphona chez mes parents. Tout était annulé! Mes nuits reportées à plus tard. Mais pourquoi donc?

Il s'avérait que le hasard du planning me faisait  travailler avec un étudiant en médecine et qu'il était inconcevable pour des religieuses de mettre en présence  toute une nuit une jeune fille rose et fraîche ( Je ris, je ris...!) et un jeune mâle plein de testostérone !

Ce jeune étudiant en médecine est devenu médecin . C'est lui qui a diagnostiqué la leucémie de son frère Nicolas Peyrac!

Qui sait si les bonnes soeurs avaient été moins prudes, je serai peut-être devenue la belle-soeur de Nicolas Peyrac!

Comment allez-vous aujourd'hui? 

Oui, j'ai décidé de faire comme la Julie dans ' Julie et Julia'. Julie tient un blog de cuisine. Chaque jour elle  prépare les recettes du livre de cuisine culte de Julia ( Meryl Streeeep!) gôute , donne ses impressions culinaires ( Pas que ...!) et s'adresse à ses lectrices comme à des amies. Je suis une brèle en cuisine ,ne vous attendez pas à ce que je parle popote! 

Je papote , je papote mais pour cette fin de semaine , j'ai un sujet: Comment appeler son mec, son homme, son chéri , son  mari sur son blog!

Parce qu'inévitablement, les hommes de notre vie apparaissent régulièrement dans cette forme de journal personnel  et chacune trouve une idée sympathique pour le nommer. (Quand le dit homme vaut le coup bien entendu ...d'être nommé!) J'ai donc repéré quelques nominations.

Mon homme: Hummm!  Fait année 40 ou chanson réaliste, j'entends Arletty dire ' Mon hommmmme, j'ai une gueule d'atmosphèèère ou quoi?

Mon Mec: Hummmm! Pas de mon âge (plus celui non plus de Patricia Kass )...ça fait : Mon mec ...pour l'instant! Je ne me vois pas appeler Mon mec, le père de mes enfants mais c'est une question de génération.

Mon chéri: Hummm! Un peu trop classique.  Fait trop bouchée de chocolat .Le chérichéri est plus drôle à condition d'avoir plus de 5O ans et se rappeler de Sapritch et Le Luron!

Mon amoureux: Aïe! Je l'ai employé dans mon précédent blog. Fait mignonnet, tantinet surprenant après 34 ans de mariage ( quoique...!) et grande référence à Carla B! D'ailleurs, je me pose la question...Quand on dit Mon amoureux, c'est toi qui est amoureuse de lui ou lui qui est amoureux de toi? Haha...

Mon époux: Beurk! Autant je trouve cela assez classieux pour un homme de dire mon épouse, autant je ne parle jamais de mon époux! J'aurai trop envie de prononcer le X à la fin...et ça ne ferait rire que moi!

Mon doudou, mon loulou, mon chouchou, mon minou, mon poussin, mon lapin....: Non! Sphère privée...

Mon mari: Humm! Bien mais trop court , trop général. Les maris pullulent mais les maris sont différents. Il faut trouver un adjectif, quelque chose qui le démarque de tous les maris de la surface de la terre! Comme ce que faisaient nos ancêtres au Moyen Age...Dédé le Rouquin , Louis du bout de la Lande, Auguste les doigts dans le nez... Enfin , vous voyez!

Je n'ai pas cherché longtemps. Mon mari pas-encore-de-nom est un adorable mari qui fait beaucoup de choses à la maison pour m'éviter les efforts et la fatigue. Il me gronde quand je veux l'aider et je lui réponds invariablement la même chose. Cette phrase  nulle littérairement parlant mais qui transcrit notre vérité , je vais l'accoler à son titre de mari. Ce sera bien fait pour lui!

Maintenant mon amoureux, mon gentil mari sera : Le mari-qui-en-fait-déjà-bien-assez-comme-ça.

Elle est pas belle ma Vie?

L'avantage d'être souvent et vite fatiguée, comme par exemple le jeudi après m'être levée aux aurores ( Pour moi, 7h 30!) et avoir fait 1 heure de gym ( Me rappeler de toujours soigner mon brushing, le prof a cru que je revenais de chez le coiffeur!), c'est que je peux rester tout l'après-midi dans mon lit SI JE VEUX à regarder des séries américaines sans aucune culpabilité!!!  

Mais comme je n'ai pas écrit depuis quelques jours  je vais délaisser quelques minutes cette bi..h cette chipie de Chloé de l'appart 23 pour parler de Noël!

J'aime cette période de l'Avent...J'aime voir ma maison prendre un air de fête . J'aime dire ' Joyeux Noël' aux commerçants , à des gens inconnus .Prononcer ces 2 mots, ça donne déjà le moral, la dernière syllabe se finit toujours dans un sourire...On n'a jamais vu quelqu'un dire ' Joyeux Noël en faisant la gueule!  J'aime voir mes voisins éclairer l'extérieur de leur foyer avec des guirlandes éléctriques. Mon amoureux a acheté une guirlande solaire , écologique, économique  parce que dit-il ça fera plaisir aux petits!  La nuit, notre rue dégouline de lumière et de bons sentiments!

J'aime la petite marque discrète que je fais à l'arrière des paquets cadeaux. Le jour J , le Père Noël repèrera facilement l'initiale de chaque destinataire . Il y a toujours un peu d'anxiété mélangée au bonheur d'offrir. Cela va-t-il plaire? Il n'y a rien de plus triste le matin de Noël que de voir de la déception sur un visage aimé! 

J'aime cette période de l'Avent parce qu'elle est celle de tous les possibles.Je peux croire encore que tout va être formidable, que personne ne sera malade, que les petits seront ravis, que les grands seront contents...

L'Avent c'est comme les vacances ou comme un rendez-vous amoureux!  Avant on se prépare,  on s'arrange ,on fait des plans, on fera çi , on fera ça , on se dit que ce seront les meilleures vacances, que ce sera le plus romantique des rendez-vous galants...On a de l'espoir tout simplement!

Allez, je retourne avec Chloé ; Don't trust the B....in Appartment 23! Pas du tout esprit de Noël!!!

 Après ce week-end de téléthon ,mon cerveau a tout mélangé...Le sponsor ( moto 63), le don et les toubibs! J'ai rêvé cette nuit de mon pneumologue . Il est venu chez moi pour une consultation ...Mon pneumo que j'appelle toujours l'homme en blanc est arrivé en tenue de motard . Et il m'a consultée ( Là, je devrai mettre un smiley avec un clin d'oeil! parce que la décence me défend d'en parler!) en gardant son casque sur la tête! Ce qui est étrange , c'est que moi aussi j'avais un casque de motarde sur la tête! J'espère que d'ici ma consultation de Février à la clinique avec l'homme en blanc, j'aurai eu le temps de chasser ces images de ma tête ! Surtout ne jamais lui demander s'il aime la moto!!!

Ce n'est pourtant pas de mon rêve dont je voulais parler mais de Clint EastWood et Richard Gere! 

J'adore les comédies sentimentales américaines et surtout celles qui me font pleurer. Je peux regarder cent fois ' Sur la route de Madison' et chialer à chaque fois devant le pendentif de Francesca qui se balance sur le rétroviseur de Robert!  Je me demande ce que j'aurai fait moi après ces 4 jours !

Et voilà qu'hier soir, on me refait le même coup! Dans le film ' Nos nuits à Rodanthe' , un type ( Richard Gere)  arrive chez Adrienne et  reste 4 jours .Ils vont vivre une histoire passionnelle qui va changer le cours de leur vie. 

Je me suis donc mise à gamberger. Est-ce que dans la vraie , ça arrive ça? Tu es bien tranquille chez toi ,ton mec est je ne sais où et un George Clooney ou Samuel Le Bihan frappent à ta porte! C'est le coup de foudre qui remet tout en question...

Evidemment, dans ma vraie vie cela ne risque pas d'arriver...dans ma vie à moi, c'est mon pneumo qui vient la nuit avec son casque de moto!!!

Il peut paraître indécent de parler de moi le lendemain du téléthon  quand on voit le parcours si douloureux, si émouvant des participants mais c'est un blog personnel où j'aime écrire mes impressions.  Ces 2 jours de solidarité nationale pour lutter contre les maladies rares, la marche de mes amis ont crée un déclic chez moi. Depuis quelques années, je fais des incursions dans des forums traitant de la BPCO ou du déficit mais petit à petit je laisse tomber ayant peur de m'investir , ayant peur d'être comme eux, les malades!!! 

Il y a un processus d'acceptation quand on a une maladie génétique . Le chemin peut être long ... C'est en intégrant un groupe de solidarité des alphas que j'ai compris à quel point j'étais isolée face à mon problème de santé . Je n'ai jamais eu l'occasion de discuter avec des gens qui comprennent vraiment...

Dans ce groupe, il y a des malades à différents stades d'évolution de la maladie, il y a des mères qui se battent pour leur enfant malade, il y a des filles qui pleurent leur maman...des personnes touchantes et formidables. Cela m'émeut beaucoup de lire toutes ces vies chamboulées par le déficit.  Je trouve que je m'en sors bien moi!

Hier soir, il s'est passé quelque chose...je me suis sentie de la famille, de cette famille des maladies génétiques rares qui te tombent dessus à n'importe quel âge . Quand j'ai  fait mon don  sur le net , je me suis dit qu'il fallait que je prenne mes responsabilités, que je ne pouvais pas continuer à faire la 'touriste' dans un groupe! J'avais tout à coup besoin de me sentir légitime à côté de tous ces malades et leurs proches . Je voulais faire partie à part entière de ce groupe qui m'a gentiment accueilli! Demain , je remplirai les papiers pour être des leurs . 

Etre dans ce groupe , y avoir rencontré je crois une vraie nouvelle amie m'a donné l'impulsion de continuer ce que je faisais depuis des années et que j'avais abandonné par lassitude ...partager par l'écriture mes états d'âme.

Tous les jeudis , je fais une heure de gym! Pour la première fois de ma vie, je suis inscrite depuis Juillet dans la seule association à Rennes qui propose de la gym adaptée .... Le prof a une formation spéciale  identique à celle des profs de sport à l'hôpital . Disons que c'est de la gym volontaire mais en beaucoup moins volontaire! La moyenne d'âge étant de 75 ans, si on nous demande de lever la jambe , autant vous dire qu'on ne ressemble pas aux danseuses du Crazy Horse! Ma relative jeunesse ne m'empêche pas d'avoir les mêmes performances que mes copines ... dès qu'il ne faut pas puiser dans mes ressources pulmonaires! Comme c'est un peu le principe de développer sa capacité respiratoire dans beaucoup d'exercices, mon visage a l'air maquillé tout entier au blush rouge baiser et je suis toujours à la traîne derrière des mamies alertes et prothésées! 

Mais qu'à cela ne tienne, dans ce cours de gym 'sur mesure', je me sens enfin moi! Toute entière...J'ai trouvé un endroit bienveillant où ma maladie ( mon handicap?) est assumée. C'est assez difficile de traduire avec des mots ce sentiment d'être en phase avec ce qui m'arrive depuis 6 ans.  L'infirmière de réhabilitation m'a pourtant bien expliqué la complexité des maladies dites 'invisibles'. lLa dyspnée à l'effort se voyant comme son nom l'indique à l'effort , il est difficile de faire comprendre aux gens que je souffre d'insuffisance respiratoire sévère quand on me voit assise autour d'une table ou tranquille sur mon canapé! 

A la salle de gym, c'est comme chez le pneumo, comme en réhab , comme avec l'homme qui partage ma vie au quotidien, je me sens légitimée !

J'ai vu aux infos un reportage qui dit qu' un bon pourcentage ( Je ne retiens jamais les chiffres) de gens rencontraient leurs amis sur leur lieu de travail. Ma vie n'ayant pas toujours été une vie de feignasse poussive entretenue, il fut un temps où moi aussi, je me faisais des amiEs dans l'odeur d'éther, de poches à urines ou d'aftershaves de luxe de chirurgiens sexy! 

J'arrivais dans le service , elle s' y ennuyait! Nous nous découvrîmes assez vite un point commun, nous étions des amoureuses de littérature . Notre amitié prit un tour nouveau quand elle me prêta ' Le livre brisé' de Serge Dubrowsky. Il y a des émotions cérébrales qui bouleversent tant que le corps réagit de façon bizarre. (Cela m'est arrivé aussi en regardant le film Amistad . Il a fallu arrêter en cours de route le visionnage pour que je prenne l'air tant j'étais angoissée.)Je quittais donc ma lecture du Livre Brisé en pleurs pour rendre compte de mon émotion à ma future amie. Cette sensibilité commune nous rapprocha vraiment et nous fûmes à partir de ce jour-là ce qu'on peut appeler des Amies!

A tel point que un an plus tard, ma récente amie déménagea pour s'installer ...dans ma ville et pas loin de ma maison ! Mon numéro de téléphone à portée de main sur sa table de nuit au cas où! Mais je dois être franche, cette proximité géographique n'était pas du tout pesante puisque chacune respectait le privé de l'autre et nous ne nous imposions pas en arrivant à l'improviste sans arrêt . J'aurai détesté cela!

Puis j'arrêtai de travailler , puis elle arrêta de travailler . Nous prenions le café en se racontant nos lectures. Grâce à elle ,je découvris Philippe Djian. Grâce à moi, elle découvrit Paul Auster. Nous ne shoppinions jamais ensemble. Nous parlions de la Vie, la vraie et celle de la Vie dans les romans!

Les années passèrent .Pas notre amitié.Une fois, j'eus le malheur de la présenter comme ma copine, elle se vexa sur le champ - Ah bon, je ne suis qu'une copine pour toi?'  Je n'avais aucune intention de la blesser, selon les jours, je parle de mes copines ou de mes amies. Je ne fais pas toujours la différence. Mais je retins la leçon.

Il y a quelques années, mon amie décida de déménager et habiter au bord de la mer dans la maison de ses parents. Les séances de papotage littéraire se firent alors au téléphone  le temps de l'installation. Le premier été passa, le second...La maison était en travaux . Travaux dont je suivais l'évolution...par téléphone. J'imaginais bien les promenades le long du quai, les bateaux au port mais j'avais du mal à visualiser une maison de pêcheurs en travaux! 

Les coups de fils s'espaçaient . Quand j'appelais, c'était pour m'entendre dire - Justement je pensais à toi , j'allais t'appeler! C'est cela oui!  Je décidai alors de ne plus donner de mes nouvelles . Parfois je craquais, parfois je tenai bon mais mon amie n'oubliait jamais mon anniversaire. Et ce fut l'épisode de la librairie!

-'Joyeux anniversaire!' Je voulais t' envoyer pour ton anniversaire le dernier bouquin de David Foenkinos .

- ahhhh?'

-mais j'ai eu la flemme d'aller le commander à la librairie!

'ahhhh?

ou alors, je t'envoie de l'argent et tu te l'achètes?

-mais non....

bon,ben t'as qu'à te dire que c'est mon cadeau virtuel!

Quand je vous aurai dit que le nom du livre s'appelle ' La délicatesse', vous rirez encore plus!

Les étés se sont encore succédés. Ma pauvre amie était toujours dans les travaux. La cuisine à aménager, le jardin à transformer , blablabla...

Cette année encore, elle ne m'a  pas oubliée pour mon anniversaire.  

Et ce fut l'épisode du ravalement de façade.

- Joyeux anniversaire! Ah , je vois enfin le bout des travaux !

- ? 

C'est chouette maintenant! le jardin est joli, la cuisine est finie et un spécialiste nous a fait des bardages de façade sensationnels

' Ah super!

-Si tu veux, tu peux voir la réalisation sur le site  internet de l'entreprise qui a travaillé chez moi! Comme ça, tu verras ma maison!

Ben, comment te dire, je n'en ai rien à fiche de ta maison. C'est trop tard! Moi j'aurai voulu parler de livres dans un vieux jardin mal entretenu, moi, j'aurai voulu boire un café dans une petite cuisine encombrée, j'aurai voulu voir les bateaux et me promener au bord de l'eau.  

Je t'ai donné 6 ans pour retaper ta maison, je me serai contentée d'un petit cabanon pour le plaisir de te voir !

Mais pourquoi je reste ton amie?  Parce que je suis du genre fidèle . Je ne brûle pas mes idoles , je ne renie pas ce que j'ai aimé, je suis une jusqueboutiste de l'amitié! Et puis après tout,  nous ne sommes peut-être que des copines!